Les Éditions Kalan

Une maison d’édition, des livres

Je suis partie pour la 1ère fois au Burkina Faso en février 2013 avec l’association Faso Lili pour un stage de danse et de percussions. A mon retour, bouleversée par les personnes rencontrées, j’ai commencé l’écriture d’un roman. Mais l’ambiance et les odeurs de l’Afrique me manquant, c’est en octobre de la même année que j’ai décidé d’y retourner. Depuis, j’y ai refait quelques séjours, notamment en 2015 puisque j’ai mené pendant 2 mois le projet « Silence, on joue aux Jardins » dont un aperçu est disponible sur youtube (lien dans le chapitre « Formations et collectage ».

Mais pourquoi créer une maison d’édition ? L’idée s’est imposée très vite.

En effet, après avoir publié un livre à compte d’auteur « Chers parents », tiré du spectacle du même nom, j’ai souhaité passer à la vitesse supérieure avec cette envie de continuer d’écrire bien sûr, mais aussi de proposer au grand public des auteurs inconnus qui auraient des récits de voyages à partager.

Ma source d’inspiration étant l’Afrique de l’Ouest, principalement le Burkina Faso, j’ai naturellement nommé ma maison d’éditions « Kalan » qui signifie « lire » en langue dioula, une des langues parlées de cette partie d’Afrique de l’Ouest.

Mon premier roman s’intitule « Bonne arrivée » et vous le trouverez à la librairie « RDV avec la nature » à Chagny ou en me contactant directement.

Roman

Bonne Arrivée

roman bonne-arrivee couverture
Ecrit par :
Emmanuelle Lieby
Edition :
Les éditions Kalan
ISBN :
978-2-9545936-1-6
Prix :
10 €

Maman sent bon.

Lorsque je suis dans son dos et que monte sa délicieuse odeur de karité, je m’abandonne.

J’aime regarder flotter au vent ses petites nattes lorsqu’elle conduit sa moto. Je regarde les bouts aux élastiques colorés, on dirait des petites bêtes qui volent au vent. C’est amusant.

Je pose mon oreille tout contre elle et j’écoute les respirations de maman et de la ville.

Maman respire, elle est en vie au guidon de sa moto, la ville respire, elle est en vie aussi, tout autour de nous, tout autour de moi.

Emmanuelle Lieby est conteuse en Bourgogne à Mercurey. Elle part au Burkina Faso pour la première fois en février 2013 avec l’association Faso Lili pour un stage de danse et de percussions. A son retour, bouleversée par les personnes rencontrées, elle commence l’écriture d’un roman. Mais l’ambiance et les odeurs de l’Afrique lui manquant, c’est en octobre de la même année qu’elle entreprend son deuxième voyage. Depuis, elle y retourne une fois par an, et c’est en octobre 2014 qu’elle met un point final à ce récit à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso.

Emmanuelle Lieby

Extrait de Bonne arrivée

Ma maîtresse habite dans une toute petite maison, une 10 tôles (1). Il n’y a qu’une pièce, la cour est commune à d’autres maisons et, devant sa minuscule case, il y a une haie sous laquelle j’aime dormir. C’est d’ailleurs à cet endroit précis que j’avais été abandonné, et que celle qui allait devenir ma maîtresse m’a trouvé le jour où elle est arrivée dans la cour.

Depuis mon poste, sous le buisson, j’ai une vue imprenable sur la rue qui mène à l’avenue de Dapoya, un quartier de Ouaga. C’est juste avant la pharmacie Pasteur.

De temps en temps, son neveu vient la voir. C’est le seul membre de la famille à avoir gardé un contact avec elle. Pour les autres, elle est maudite. Même après toutes ses années. Même après la mort de ses parents.

Son neveu est venu à la capitale parce qu’il est musicien. C’est peut-être aussi pour cela qu’il est plus ouvert, après tout, c’est un artiste et souvent les artistes sont pris pour des fainéants et de drôles d’hurluberlus.

J’aime bien qu’il passe, ça fait un peu d’animation, bien que dans le fond je n’en aie pas vraiment besoin, car je ne m’ennuie jamais.

Comme tous les chats, je passe mes nuits dehors, toutefois, j’évite certains coins réputés « chauds ». Les volées de cailloux, très peu pour moi.

Je me promène sur les toits de tôle, je saute d’arbres en arbres, je vais faire un tour du côté de l’auberge de Dapoya, chez Mama Africa, parce que dans la cour il y a un baobab et que le soir il est occupé par des poules.

Celui qui croit que les poules ne grimpent pas aux arbres se trompe complètement car oui, je l’affirme, je l’ai vu de mes yeux vus : les poules montent dans les arbres.

Quand la nuit va tomber, elles grimpent sur le mur puis du mur, hop, dans le baobab. Elles y sont ainsi en sécurité. Elles sont drôles, posées comme ça sur les branches, formes grises ou blanches qui se confondent tout doucement avec la nuit. C’est le moment que je préfère. J’arrive à pas de velours, je grimpe sans bruit dans le baobab et je sème la panique. J’adore ça !

Ça caquette, ça tombe, ça se secoue, il y a des plumes partout et moi, je ris. Et elles, elles sont affolées.

Une fois mon forfait accompli, je rentre chez ma maîtresse jusqu’à la prochaine petite virée. C’est ce qui est vraiment bien avec les poules, elles pourraient trouver un autre refuge. Mais non, elles continuent de s’installer dans le baobab. C’est parce qu’elles ont la mémoire courte. Pas comme les chats. Ou les éléphants. On dit qu’ils ont une excellente mémoire les éléphants. Bon, heureusement, ils ne grimpent pas aux arbres…

Ce qui me rappelle une petite histoire, celle du sage Moussa qui se promenait sur le marché. Il avait revêtu sa belle tenue de cérémonie et faisait le gros dos(2), lorsqu’une tourterelle est passée au-dessus de lui et s’est soulagée sur la belle tenue de Moussa. Mais Moussa, imperturbable a continué son chemin tranquillement, paradant comme si de rien n’était. Les passants l’ont arrêté et lui ont dit : – Moussa, mais enfin, on a bien vu que tu étais fier de ta belle tenue, mais là vraiment ô, au lieu de continuer de sourire, tu devrais pleurer, car regarde, ta tenue est souillée.

Et Moussa de leur répondre : – Justement, je souriais parce que je me disais, heureusement que les hippopotames ne volent pas !

Taquin, et comique, c’est moi, Jakuma !

(1) Dix tôles : pour connaître la surface d’une maison, l’on compte en nombre de tôles formant le toit. Une tôle fait 1m par 2m. Une « 10 tôles » = 20 m2.

Extrait du tome II « Y a pas de problème »

J’étais épuisée, mes ongles étaient sales, mon dos cassé, mes pieds rougis par la terre bobolaise, je sentais la transpiration, mais, mon potager était prêt ! Victoire ! J’allais avoir de l’oseille, des haricots, des tomates, de la patate douce et des salades. J’avais fait aussi quelques essais de pépinière dans des sachets d’eau (1) vides de graines de radis que j’avais apportées dans mes bagages, et réservé un petit carré pour des fraises. Manquait plus que trois poules et nous étions prêtes à affronter un siège.

La maison que j’avais trouvé à louer à Sarfalao n’était finalement pas si éloignée de celle de mon père, ce qui le rassurait d’une part et me permettait d’autre part de ne pas avoir à traverser la ville et ses embouteillages pour le voir. Chaque matin je déposais Agathe à l’école française André Malraux et chaque soir c’est lui qui allait la chercher, ou bien Yaya. Évidemment, depuis le coup d’Etat, l’école était fermée et elle m’accompagnait à l’orphelinat presque quotidiennement ou bien au passage, je la déposais à son grand-père ravi d’avoir sa petite-fille pour lui tout seul.  Quant aux écoles du pays, la rentrée ne se ferait de toute façon qu’au 1er octobre, date à laquelle la saison des pluies tirerait vraiment à sa toute fin, alors les familles rentreraient de la brousse où tout le monde avait aidé aux champs. Et puis de toute façon, venir à l’école sur des pistes défoncées par les pluies n’a rien de très emballant et peut même se révéler très dangereux parfois.

Je commençais à trouver mes marques dans cette nouvelle vie et je constatais qu’Agathe aussi. Elle s’était fait des amies et avait une bonne classe avec un bon niveau. Ses professeurs en France m’avaient un peu alarmée, me disant que sans doute on lui proposerait un redoublement à notre retour parce que ça ferait beaucoup de changements pour elle, d’autres méthodes de travail, d’autres relations, etc., mais qu’après tout, qu’est-ce que c’était qu’une année dans une vie. J’avais tiqué, ça ne leur avait pas échappé, j’avais alors pris une grande inspiration et répondu que le niveau de l’école française André Malraux n’avait rien à envier au leur et qu’à moins d’un accident de parcours qui somme toute pouvait arriver à n’importe qui, Agathe étant une élève certes pas brillantissime mais se situant dans la moyenne, il fallait qu’ils fassent preuve d’un peu plus de considération et de confiance envers les élèves avant de les juger et surtout un peu plus de bienveillance envers leurs collègues. J’étais un peu agacée, ils l’avaient bien senti et évidemment ils avaient marmonné que oui c’était vrai et que vous aviez raison, et que bon voyage ! L’on devrait dire un peu plus souvent les choses avant d’accepter d’être fourré dans des cases qui se révèlent parfois trop étroites.

Ce jour-là, j’avais été heureuse de mon à propos, moi qui n’en ai jamais.

(1) Sachet carré rempli d’eau que l’on achète à tous les coins de rue et que l’on jette une fois l’eau bue … ces sachets sont récupérés pour faire des pépinières.